Betterave et potiron

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Comme on le sait, ou si on ne le sait pas on va le savoir maintenant, l’année celtique était divisée en deux grandes périodes, de novembre à mai et de mai à novembre, la saison sombre et la saison claire, la froide et la chaude, l’hiver et l’été, telle que nos anciens la séparaient en breton, ar goañv hag an hañv.

Aujourd’hui, on parle aussi du printemps, Newez-amzer et de l’automne, Diskar-Amzer.

L’ouverture du Nouvel an des Celtes était donc fixée aux calendes de l’hiver, toujours nommées kalangoañv par les bretonnants.
Les Irlandais en ont fait Samhain et les Anglais Halloween. Au cours du passage du 30 octobre au premier novembre, l’invisible cloison magique qui sépare l’univers surnaturel de celui des humains s’entrouvre lors d’une nuit pour ainsi dire hors du temps n’appartenant, ni à une année, ni à l’autre.

Betterave et potiron 001
Betterave et potiron 001

Alors, tous les esprits de l’Autre Monde font irruption sur terre, aussi bien les êtres fantastiques que les âmes des défunts.
En fait, on prétendait autrefois que les morts revenaient à trois grands moments de l’année sur les lieux où ils avaient vécu : la Toussaint, Noël et la Saint-Jean.
Il n’y a pas si longtemps encore, la veille du premier novembre en Bretagne et dans les pays celtiques, on balayait bien le sol de la maison, on laissait sur la table
un plat de crêpes et une cruche d’eau à leur intention. On mettait une bonne bûche, kef an anaon, dans la cheminée pour qu’elle dure toute la nuit afin qu’ils puissent venir se chauffer sur la pierre de l’âtre.

En outre, on prenait soin de ranger le trépied sur lequel ils auraient pu se brûler. Tous ces gestes étaient destinés à attirer la prospérité sur la maison. On croyait en effet autrefois que les morts étaient les garants de la fécondité de la terre et des hommes. C’est ce qui justifiait ces petites attentions à leur égard.

Betterave et potiron 002
Betterave et potiron 002

Pour guider les âmes dans l’obscurité, la coutume en Irlande voulait que l’on plaçât des bougies aux fenêtres des maisons mais aussi sur les talus des chemins.
Les chandelles posées à l’extérieur étaient installées dans des betteraves creusées sous forme de têtes avec des yeux et une bouche. Ces fantômes lumineux symbolisaient les morts eux-mêmes. La tradition exista vraisemblablement en Bretagne puisqu’on entend encore de nombreux témoignages au sujet de ces bougies dans les betteraves. Toutefois, le sens en a été perdu et n’a plus été rattaché à Halloween.

La tradition a été longtemps utilisée en période hivernale pour faire peur aux enfants qui ne rentraient pas assez tôt au bercail.

Betterave et potiron 003
Betterave et potiron 003

Lorsque les Irlandais, victimes des grandes famines du milieu du XIXe siècle émigrèrent en masse en Amérique du nord, ils emportèrent avec eux leurs croyances et leurs rites. C’est alors que, dans son nouvel environnement, la betterave céda la place au potiron ou à la citrouille, plus noble et plus colorée, pour symboliser le retour des âmes à Halloween. C’est ainsi aussi, que retraversant l’Atlantique, la coutume a retrouvé une autre vie en Bretagne et ailleurs, faisant le bonheur des enfants…des jardiniers…et des commerçants.

DG