Faire chou blanc, avoir la patate… Les expressions autour des fruits et légumes décryptées
Dans son nouvel ouvrage, l’éditrice et lexicographe Françoise Guerard s’intéresse aux expressions potagères. Savoureux.
De la moutarde (qui montait déjà au nez des Italiens en 1640) à cette patate (que l’on peut avoir au même titre que la pêche ou la banane) en passant par le poireau (à l’origine du verbe poireauter), cela a commencé comme un jeu. Intriguée par le nombre considérable de ces « mots des jardins » qui émaillent notre langue, Françoise Guerard s’est mis en tête de leur faire cracher le noyau (pardon, le morceau).
Aphorismes, dictons et adages n’ont eu qu’à bien se tenir, Madame Guerard ayant dirigé l’unité « dictionnaires et industrie de la langue » de la maison Hachette.
Légumes transgenres
Croyez-vous que la reine des pommes et autres grosses légumes, impressionnées, se soient laissées faire sans moufter ? «
Des nèfles ! »
s’amuse Françoise Guerard, qui en profite pour préciser que le mot même de légume se déclinait autrefois au féminin. Et que la formule «
grosse légume » a d’abord désigné, en argot militaire, les officiers de haut rang. Avant d’essaimer hors les casernes. «
On continue d’utiliser ces expressions mais, pour la plupart, on en a complètement perdu le sens originel. Retracer leur histoire a été un exercice aussi réjouissant que périlleux. On ne peut que spéculer en conservant les hypothèses les plus vraisemblables car rien ne nous dit qu’avant d’apparaître à l’écrit, telle ou telle locution n’avait pas déjà vécu une longue vie à l’oral. Avec ce que cela implique d’altérations dues à des questions d’accents régionaux et d’orthographe, de détournements et de contresens. »
Bête comme chou
Il n’en reste pas moins que les expressions forgées à la seule force de la fleur ou du fruit sont légion. « Les mots reflètent très concrètement le quotidien des gens qui les utilisent. On ne s’étonne donc pas, dans une France longtemps rurale, que les noms de légumes et de fruits occupent une place de choix dans notre parler »,
rappelle Françoise Guerard.
Illustration avec le plus truculent des crucifères : le chou. « Parfois associé à la chèvre pour d’énigmatiques raisons, le chou est le légume à tout faire par excellence. Depuis le XVe siècle, si ce n’est avant, on l’a mis à toutes les sauces. »
Feuille de chou, bête comme chou (à défaut d’en avoir dans le chou), coupe-choux, bout d’chou, faire chou blanc ou en faire ses choux gras : pour savoir ce que le chou – et ses congénères – raconte de ceux qui les cultivent, un détour par les mille (et une) expressions fleuries qu’a compilées Françoise Guerard s’impose. Promis : sans prise de chou !
(1) Grosse légume, reine des pommes & herbes folles, Françoise Guerard, Éditions de l’Opportun, 18,90 €.