Le sureau : Skao
En fonction de sa taille, le sureau noir peut être considéré soit comme un arbre, soit comme un arbuste. Ainsi, on dira en breton selon le cas :
ur wezenn skao ou ur voujenn skao.
En gallo, on l’appelle seu ou suc. Il n’est pas très beau à voir, avec ses branches tordues et son écorce gerçurée, sauf lorsqu’il est en feuilles et en fleur. Si l’habit ne fait pas le moine, il cache au moins la misère :
Ur vodenn skav
Pa vez gwisket a vez brav.
Un bouquet de sureau
Est beau quand il est vêtu.
Cet arbre occupe une place peu enviable dans certains récits populaires. En effet, une légende de Haute-Bretagne raconte que Judas, rongé par les remords après avoir trahi le Christ, se serait pendu à la branche d’un sureau. Depuis ce temps-là, ses baies noires qui étaient jadis excellentes, devinrent immangeables.
On en fait pourtant de la confiture mais c’est parce que, dit-on, on les fait cuire à petit feu. C’est peut-être une manière de punir le traître symboliquement.
Il en est de même de l’autre côté de la Manche. En Cornouailles anglaise, on prétend que la croix, sur laquelle le Christ avait été crucifié, avait été taillée dans un tronc de sureau.
C’est pourquoi, on recommandait notamment de ne pas utiliser ce bois maléfique pour faire le berceau des enfants.
En Irlande, on assure que le sureau avait une fois refusé de donner refuge au Christ lors d’un violent orage. Le lierre, au contraire, lui avait offert de venir à l’abri de sa ramure. C’est
pourquoi, depuis le sureau est le dernier des arbres à faire ses feuilles tandis que celles du lierre sont persistantes.
A ce sujet, on a beau dire « sec comme un coup de trique », le sureau affectionne en particulier les lieux humides.
On dit qu’à l’endroit où il pousse se trouve une source ou un passage d’eau souterraine, lec’h ‘vez skav ‘vez mommenn dindan, pe dour dindan.
Selon la tradition celtique, c’est dans la journée du 1er mai que les sorciers avaient le pouvoir de jeter des sorts sur le lait et sur le beurre, et de se l’approprier de façon mystérieuse. Voici ce qu’on pratiquait dans les environs de Lorient pour se garantir de leurs maléfices. On commençait par faire sortir les bestiaux de la crèche que l’on nettoyait
à fond. Puis, on allait chercher des ronces, du laurier, du sureau, et des morceaux de cuir, que l’on faisait brûler tout autour de l’étable dans des pots remplis d’avance de charbons incandescents. On fixait ensuite aux murs un grand nombre de branches de sureau. Quand ces préparatifs étaient terminés, on faisait rentrer les vaches, à reculons, cérémonie qui devait empêcher les voleurs de beurre d’exercer leur magie.
On disait aussi que si d’aventure les taupes entraient dans les étables, elles donnaient mauvais goût au lait. C’est pourquoi, on mettait des branches de sureau dans les endroits où elles boutaient. Cela les faisait déguerpir, paraît-il.
Le sureau, par ailleurs, fournissait aux enfants de quoi s’amuser. Ceux qui ont été élevés à la campagne savent encore que c’est le bois idéal pour faire ce que Rabelais appelait déjà, une sarbataine de seu, et que l’on nommait en Basse-Bretagne : ar bistolenn-skao, ar sifoc’hell, et en Haute-Bretagne : une pétouère, une taponnouère ou encore, une
taconnoire.
DG