En dehors du pays nantais, la Bretagne et son climat sont peu favorables à la culture de la vigne. Cela n’empêche pas ses habitants d’avoir une culture du vin et c’est pourquoi si on parle de saint Émilion, par exemple aux adhérents de jardin-passion, ils penseront sans doute à un bon cru du bordelais et ils auront raison de le faire.
Mais savent-ils qui était ce saint ? Eh bien, Émilion était breton. Il était originaire du pays vannetais. Entré au service du comte de Vannes, on l’avait accusé de vol dans les circonstances suivantes :
Un jour, il avait effectivement dérobé et caché sous son manteau quelques miches de pain qu’il avait l’intention de donner aux pauvres.
Mais le comte ayant surpris le manège était monté sur ses grands chevaux (de bois) et avait ordonné à Émilion de lui montrer ce qu’il dissimulait sous son vêtement. Émilion répondit calmement qu’il s’agissait de morceaux de bois. Et en effet, joignant le geste à la parole, il avait ouvert son manteau : le pain s’était changé en bois ! Il partit donc avec sa provision et lorsqu’il distribua ses branches elles redevinrent du pain dans les mains des pauvres. C’est pourquoi les bretonnants l’appellent : Sant Milion, tad ar bara, saint Émilion, le père du pain.
Dans les églises, on le représente en moine, un livre ouvert à la main, mais aussi avec des pains à ses pieds.
Aurait-il vu rouge à la suite de cette incartade ? On ne saurait le dire. Toujours est-il qu’il décida de quitter le pays de Vannes pour se rendre en Galice. Mais il s’arrêta en Saintonge dans le monastère de Saujon où il prit l’habit monastique et se retira pour finir du côté de Bordeaux dans le village qui porte aujourd’hui son nom. La légende ne dit pas non plus si c’est lui qui planta là les premiers ceps de vigne. Toutefois, on montre encore à Saint-Émilion, le tout petit sanctuaire creusé dans le roc où il séjourna et l’on peut croire que ce refuge au frais constituait la cave idéale. C’est là, qu’il mourut le 16 janvier 767.
Dans notre région, il est titulaire de chapelles à Coatascorn et Plouagat. Sans jeu de mot, il est aussi l’éponyme d’un village de Plévin. On le connaît aussi comme saint patron de la paroisse de Loguivy-Plougras. C’est vers le XVe siècle qu’il détrôna son ancien prédécesseur, Ivy qui est honoré à Loguivy-Lannion. Le jour de son pardon, on l’invoque pour la conservation des récoltes en lui faisant des offrandes en grain. Autrefois, certains cultivateurs assistaient à l’office avec un petit sac de grain pour le faire bénir et le mélanger aux semences de l’année suivante.
Ce n’est pas tout. Une croyance répandue en Europe prétend que les animaux parlent la nuit de Noël, l’espace des douze coups de minuit. D’autres miracles se produisent au cours de cette veille de la Nativité. On prétend en effet que l’eau des sources, pendant que dure le temps de la consécration, se change en vin pour renouveler le miracle des noces de Cana.
Quand on sait que le ruisseau qui traverse Loguivy-Plougras se nomme également le Saint-Émilion, on comprend mieux pourquoi, alors que le clocher égrène ses douze coups, on aperçoit des ombres furtives s’activer sur la place du bourg. Ce sont probablement des adeptes du bain de minuit à la campagne des amateurs de bon vin qui croient au père Noël.
Dans une de ses vieilles histoires du pays breton, Anatole le Braz raconte la mésaventure d’un pauvre innocent que l’on avait retrouvé noyé dans un puits le lendemain de Noël. « Ses yeux grands ouverts ne marquaient nulle épouvante. Ils avaient même une expression joyeuse, et les lèvres souriaient. Les anciens avaient dit : « Sans doute, il aura voulu savoir quel goût avait le vin de Nedeleg, et pour en avoir bu avec excès, il sera mort de béatitude ».
DG